De Paris à Vitry le François : la Marne sauvage ou canalisée...

2 MAI 2001 le tunnel de Saint Maur

Au petit matin, nous traversons Paris dans la grisaille et dans le calme... Le confluent passé, l'écluse de Saint Maurice est grande ouverte. Nous profitons d'un ponton indiqué sur la carte pour aller chercher 75 litres de fuel. Se ravitailler en carburant se révèlera assez difficile.

La haute écluse de Saint Maur (4m) débouche sur le premier tunnel à franchir, le tunnel de Saint Maur. Ca nous impressionne un peu bien qu'il fasse seulement 600 m.

La vallée de Marne se révèle de plus en plus belle en nous éloignant de la capitale.

la célèbre Guinguette Chez Gégène...

 

Nous traversons toute la zone de canotage et de guinguettes de Joinville-le-Pont et de Nogent-sur-Marne. En ce jour particulièrement gris et terne, on imagine les impressionnistes entourées de belles parisiennes aux riants bords de Marne, au soleil...

Le port de Nogent-sur-Marne est spacieux et bien aménagé. Nous arrivons en vue de l'écluse de Neuilly-sur-Marne qui va nous ouvrir le premier bief canalisé de la Marne... Il est 12 heures 10 et les éclusiers déjeunent à 12 heures 30. Merveilleux, il nous restera 7 kilomètres de bief pour trouver à l'écluse suivante un éclusier repu... et opérationnel: beau timing !

Et là se profile après la trêve du 1er mai la seconde bévue de la croisière : l'éclusier nous informe que le bief est interdit, qu'une péniche la Rosario ayant coulée, ayant été renflouée, des plongeurs cherchent la cause et qu'on nous dira quand on peut passer. Nous attendons le long d'un ponton. 2 péniches sont sassées, une, lège, continue sa route. L'autre la Christina II, chargée, reste au bord du canal... Et nous ? L'éclusier consent à nous laisser passer aussi dans le canal, en eaux calmes mais, INTERDICTION DE CIRCULER avant les ordres !!!

la panneau maudit nous interdit de naviguer !  le Bananec dans son écrin de verdure

Nous espérons un départ en milieu d'après midi... En attendant, nous faisons connaissance avec notre marinier belge Ghillebert du Christina II qui nous explique un peu la batelerie... Ainsi, nous apprenons qu'avec sa femme, tous les 2 ont possédés jusqu'à 3 automoteurs qu'ils faisaient travailler en même temps... en allant de l'un à l'autre en train ou voiture pour convoyer l'un quand les autres étaient en chargement ou déchargement... Étonnant ! 

Il nous apprend également que l'incident qui nous arrête est rarissime... Pas de chance ! La soirée se profile et nous sommes toujours bloqués. L'éclusier quittant son service nous informe que demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne... un bateau sondeur viendra... pour sonder ! Nous voilà bloqués pour la nuit... Claude pêche... et lève 4 carpes de belle taille, une brème... Le repas demain midi sera délicieux.

3 mai, 8.35: le bateau-sondeur... passe enfin !  Pierrot s'occupe en posant de la moquette !

3 MAI 2001

Au matin, je ronge mon frein en allant faire une grande promenade le long de la Marne sauvage. Bien m'en prend car, je m'offre un tête-à-tête avec... un ragondin. A 1.50 m de moi, il me regarde, j'en fais autant... 20 mn de bonheur ! Au retour au bateau, se déclenche un orage terrible qui va durer jusqu'à 12 heures, paralysant la circulation en région parisienne. A 8.30 nous avons eu la joie de voir passer la vedette de sondage de VNF. Chacun occupe sa matinée à des travaux divers : Pierre pose de la moquette, Claude dresse ses filets de carpe...

14.00 - Rien ne bouge... Je commence à m'énerver après l'éclusier, archétype parfait du fonctionnaire borné... Les copains m'envoient en promenade... et négocient la pose des ballasts sur le Bananec pour arriver au tirant d'eau de 1.40 (qu'ici on appelle enfoncement, j'y reviendrai plus tard...) où il nous autorisera à partir... On fait çà -très sportif- et on part, gîtés sur bâbord. Surprise, dans le bief nous rencontrons (il est 15 heures...) la vedette de sondage... qui ne sonde pas et est tranquillement zonée le long du canal... Bravo VNF !

Nous retrouvons la Marne, puis à nouveau un canal qui débouche à Meaux au travers du tunnel de Chalifert. Meaux ne semble guère accueillant : pas de port de plaisance... digne de ce nom

Maurice de Poincy, sympathique et compétant...

 

 

Nous avisons sur la carte un port privé. Une liaison avec un mobile et Maurice, le sympathique gardien du port de Poincy nous accueille. Bien sur, ce n'est pas encore la saison mais il nous accepte pour la nuit en raison de la crue... C'est avec grand plaisir que nous l'invitons à boire un apéritif sur le Bananec...

 

 

4 MAI 2001

Au matin, après avoir admiré un nid de poule d'eau sur la plate-forme arrière d'une vedette, la crue empêchant la mère de faire un nid conventionnel, nous quittons notre ami Maurice avec une sortie très difficile en raison du courant violent et d'un chenal très étroit. Je me sens heureux d'avoir un moteur très performant... Dans la nuit la Marne est montée de 40 cm... et nous entendons que la Seine à Paris est à nouveau interdite à tout trafic... On l'a échappé belle...

au silo de Nogent-l'Artaud... tranquille...Le temps est toujours aussi gris et humide. Les 2 écluses suivantes, Isles-les-Meldeuses et St Jean-les-deux-Jumeaux sont avalées sans coup férir puisque submergées et ouvertes en grand. C'est à Saint-Jean que nous sauvons un canard-appeau qui descendait la rivière, probablement arraché par la crue dans un jardin. Nous l'adoptons et le baptisons MARNODEAU puisque trouvé en Marne et dans l'eau...

Au fil de l'eau, beaucoup d'animaux : hérons, écureuils, une loutre, des ragondins, des oiseaux nombreux...

Dans l'après-midi, nous avons une grande chaleur à l'écluse de Charly : l'écluse est fermée, il faut passer par le barrage et c'est un vrai mur d'eau qui s'offre à nous : on se demande si on va passer la barre, moteur à fond, 2,2 Km/h... On flippe un peu ! Enfin, nous arrivons pour la nuit à Nogent-l'Artaud... Belle halte avec ponton moderne (attention : 1.50 de tirant d'eau !) et information au plaisancier d'aller chercher la clef à la gare SNCF (50 mètres) pour ouvrir le coffre eau et électricité... On aurait pu passer là une nuit superbe mais à 21.30 j'ai sondé : la Marne baisse, j'ai peur de rester planté au matin... et nous partons pour le silo voisin, en pleine eau... Bonne nuit !

5 MAI 2001

vers le pôle ?

Au matin, force est de constater que la côte de porc d'hier dont Claude L n'avait pas voulu a trouvé grâce auprès d'un corbeau local... Nous quittons Nogent-l'Artaud...

Bientôt se profile l'écluse d'Azy. C'est la première fermée depuis longtemps et que nous devons négocier... Le barrage écume et les tourbillons sont impressionnants... Claude me passe la barre pour entrer dans le sas... C'est vrai que j'ai eu de nombreuses occasions de naviguer dans les forts courants des Anglos qui m'ont impressionnés mais c'était quand même... furieusement étonnant... 

 

le quai de Chateau ThierryEn fin de matinée, nous sommes à Château-Thierry, jolie ville dont le port de plaisance n'est vraiment pas à la hauteur : un quai pouilleux avec quelques bittes, pas de sanitaires, le gazon herbe folle négligée depuis toujours... Je suis assez déçu de ce que je trouve ici...

Nous allons à la gare chercher José qui va compléter l'équipage pour la fin de cette étape.

l'équipage emmitouflé

 

 


 

Nous franchissons encore 2 écluses par le pertuis : Mont-Saint-Père et Courcelles... Se profile l'écluse de Vandières qui permet d'éviter un très petit bras de Marne.

Cette écluse dont les bajoyers sont inclinés a été équipée de 2 pieux battus et d'un ponton moderne. Le passage se fait dans la bonne humeur.

dans l'écluse pour la nuit. Au fond les vignes de ChampagneA la sortie de l'écluse, après 100 m de canal, on retrouve la voie d'eau et... on se plante ! marche arrière... on essaie à droite, vers le bras de Marne : replantage ! On fait gîter et... nouvel essai à gauche du chenal : là, nous sommes gravement dans le limon... Coup de fil à Didier l'éclusier qui arrive en courant et soufflant. "Y'a de l'eau, je ne comprends pas" nous dit-il... De l'eau d'accord mais pas assez !!! 

Pour la première fois en plus de 20 années de navigation, je sors... la TOULINE ! Et, aidé du gars Didier au bout, des équipiers qui font gîter, nous finissons par nous déplanter. Retour en marche arrière dans l'écluse pour la nuit. Tranquillité garantie ! 

L'éclusier nous informe que, dès demain au matin, les gars de VNF vont venir pour remonter le barrage attenant à l'écluse afin de nous rendre de l'eau en amont... et de nous permettre de passer. Ca prendra une bonne demi-journée... Nouvel avatar !

 

REMONTAGE D'UN BARRAGE

le remontage du barrage se prépare...Un certain nombre de barrages de la Marne servant à réguler le cours du fleuve en amont et en aval, et à éviter les crues, datent de l'époque de la construction de ce canal sous Napoléon ! 

 

Au premier plan, la moitié du barrage est en place. Derrière les gars de VNF, la partie à reconstruire. Notez le courant violent le long de la pile au fond...

 

 

 

Emmanchées sur un radier au fond de la rivière sont empennellées à l'aide d'une chaîne des fermes métalliques  qu'un treuil (aujourd'hui mécanisé) va tirer hors de l'eau en les redressant...

 

 

les premières fermes apparaissent

A droite de l'image, les premières fermes tirées par la chaîne sortent de l'eau. Quand les 4 premières fermes sont levées, on applique des entretoises puis des planchers métalliques afin de constituer un tablier... et on continue avec les fermes suivantes.  Quand le tablier du barrage est en place, reste à introduire verticalement des aiguilles en bois de 2,50 de long dont les bouts taillés viennent se loger au fond de l'eau dans des alvéoles prévues à cet effet. 

Tout l'art de la régulation consiste à décider du nombre d'aiguilles à mettre en place. Là, 3 seules aiguilles par ferme ont suffies à remonter la rivière pour nous permettre de repartir.

 

 

le barrage est monté les aiguilles, clé de voûte du barrage...

Il faudra une équipe de 5 hommes menée par un technicien pour remonter ce barrage ... opération terminée vers 13.30... Si l'on excepte le cabestan qui a été remplacé par un treuil, rien n'a changé depuis Napoléon...

dossier réalisé grâce aux informations fournies par Nathalie, Didier, Loulou... et les autres (de VNF) - Merci de leur aide

6 MAI 2001

Notre journée commence enfin à 13.50 ! Nous sortons... en force en touchant ! Merci encore à tous ceux qui semblaient bien malheureux de ne pas nous offrir ce que VNF prétend assurer !

La navigation reprend... mais elle se révèle répétitive : nous touchons encore à la sortie de l'écluse de Dammerie, mais passons.

A la sortie du bief qui suit l'écluse de Cumières, c'est plus grave : Arrêt sur image, le Bananec se plante gravement sur un cordon de sédiments très compact ! Vive le mobile, nous prévenons l'éclusier de Cumières... qui n'est autre que le chef d'équipe qui coordonnait les opérations le matin même à l'écluse de Vandières.

Il accourt en voiture et nous dit qu'il va remonter le barrage de Cumières (automatique celui-là pour nous permettre le passage. Ceci fait, nous sommes encore bien englués. Nous décidons les grands moyens : ballasts, équipiers au rappel jouant les singes, capitaine à la barre creusant un sillon en maniant sa roue de droite et de gauche et moteur à fond ! Enfin, nous passons...

prise de perche... je suis tendu !

 

 

Il ne nous reste plus qu'une petite partie de Marne sauvage avant d'embouquer le canal latéral de la Marne  et une nouveauté se présente à nous : plus d'éclusiers, des perches à saisir pour déclencher les portes.

 

 

 

à gauche, le canal et à droite, la Marne sauvage

 

 

Nous vivons un moment fort agréable où la rivière serpente à nos côtés tandis que nous sommes tranquilles sur le canal... Pour la première fois depuis que nous sommes sur la Marne, nous avons de moins en moins d'inquiétude sur l'eau qui circule sous notre quille... au point que nous finirons par éteindre le sondeur sauf dans quelques passages délicats... 

 

 

Mareuil sur Ay : un havre de paix

 

 

Au soir, nous trouvons enfin l'occasion d'être heureux... Le temps s'améliore, le port de Mareuil sur Ay, en plein vignoble est accueillant et bien équipé... Et surtout, surtout, je suis heureux d'avoir passé un des deux points délicats de mon voyage... Reste le Haut-Danube... mais ceci est une autre histoire...

 

 

 

 

 

 

 

PETIT PRÉCIS sur LES CANAUX DE L'EST

* 1837 - 1845 : on creuse le canal latéral à la Marne et on invente les barrages à fermes

* 1838 - 1853 : creusement du Canal de la Marne au Rhin 

* 1879 : L'ingénieur Freycinet, Ministre de la IIIème République met le réseau en cohérence au gabarit :

                - longueur 38.50 m  -  largeur 5,20 m - tirant d'air  3,70 m

                - enfoncement 1,80 m - mouillage 2,20 m

Nota : sur les voies intérieures, enfoncement est tirant d'eau - mouillage est profondeur d'eau sous la quille (avec pied de pilote).

7 MAI 2001

Tours sur MarneCette journée paraîtra tranquille après les péripéties que nous avons connus depuis le départ... Tranquillité, hauteur d'eau, jolis paysages, temps relativement clément (on se contente de peu...)

Dans la progression, de temps à autre un bien joli paysage comme ici Tours sur Marne... une sorte de quiétude après des soucis...

En approche de Vitry le François, belle ville qui a un port de plaisance (d'après la carte) nous nous arrêtons pour faire quelques courses dans un Super !!! Ca craint un peu... et nous arrivons à Vitry...

Quand nous nous propulsons vers le port de plaisance, un marinier sort pour nous crier: "Stop, le port est envasé !". Trop tard, nous sommes déjà... dans la M...  On se déplante (ça devient banal... et comme un art...) et un quai de commerce nous accueille pour la nuit, le long d'un sinistre silo...

Vitry le François