La Roumanie de Moldova-Veche à Constanta

20 MAI 2004 - 21 MAI 2004

La première soirée en Roumanie a été festive. Tutu, le père d' une amie roumaine de Paris nous a servi de guide jusqu 'à une terrasse au centre de la ville. Nous profitons du temps magnifique pour nous promener tard dans les rues de Moldova-Veche. Au matin Dorin m' apprend que, contrairement à ce qui était prévu, l' équipage déserte. A midi arrive Dan qu' il était prévu d' embarquer pour la fin du voyage mais nous ne seront plus que 2 à bord. Nous assistons à la pêche aux silures depuis le ponton de la capitainerie : en l' espace d' une heure, un pêcheur local en sort une dizaine et nous en offre un. Nous allons au marché local faire des vivres... et profitons du magasin free tax pour refaire la cave du bord. Le soir venu, Tutu nous propose d' embarquer Nic, un solide gaillard, champion de Roumanie d' aile delta et amateur de parapente... Nous acquittons des taxes de port 14 € et aussi une taxe de je ne sais quoi de 30 €.

Tutu et le silure*********

22 MAI 2004

Dans un soleil un peu caché par la brume du matin, nous partons pour la plus belle étape du voyage : le passage des Cazane, mici et mari (marmites petites et grandes), l' endroit autrefois le plus dangereux sur le bas Danube aujourd'hui régulé par le barrage des Portes de Fer vers lequel nous descendons. Nous débordons l' île Moldova par le nord, se profile le rocher de Babakai et nous admirons au passage la citadelle imposante de Golubac. A l' entrée du défilé le vent s' engouffre et provoque un clapot désagréable. Nic, qui se révèle aussi excellent cuisinier nous prépare une soupe de silure formidable.

Golubac*****

Vers 14 heures, nous pénétrons dans les petites marmites où le rétrécissement provoque un fort vent de face et des vagues assez fortes. Le paysage est étonnant de beauté et de majesté. Côté roumain, le portrait de Decebal, roi Dace a été taillé dans un immense rocher. Un peu plus loin, sur la rive serbe, enchâssée dans le roc se trouve la célèbre table de l' empereur romain Trajan, autrefois située sur la rive du fleuve avant la construction du barrage des Portes de Fer et qui a été rehaussée et posée le long de la rive nouvellement crée par la montée des eaux.

Decebal*****la table de Trajan

 

A la sortie de Cazane Mari, le fleuve s' élargit en un vaste plan d' eau au fond duquel se trouve la ville d'Orsova, terme de cette étape. Aucunes installations et nous trouvons refuges le long d' un ponton délabré. Nous prenons un nouveau silure.

23 MAI 2004

Notre premier souci en quittant Orsova est de nous approvisionner en carburant. Une halte au chantier naval nous apprend qu' hélas, il n' existe aucune possibilité ici. Nous arrivons donc rapidement devant l'immense complexe éclusier des Portes de Fer I. Nous voulons passer côté roumain mais nous apprenons avec surprise que chaque pays à sa semaine et que c' est au tour des Serbes de travailler. Nous pénétrons dans l' écluse mais avec le vent violent qui vient de l' arrière, le bateau se retourne dans l' écluse et nous allons taper un pousseur ukrainien, le "Zvednyy" où personne ne bouge pour nous apporter de l' aide. Après quelques manoeuvres épuisantes, nous rétablissons la situation.

Portes de Fer I*****ponton de Turnu Severin

L' immenseécluse est composée de deux chambres et dès la seconde, le vent se sent beaucoup moins. Nous faisons halte au ponton de Turnu Severin où nous trouvons un accueil extraordinaire. Nous rechargeons les batteries des téléphones tandis que le chef de poste nous emmène en voiture chercher du fuel en ville. Nous quittons cet endroit sous un grand soleil mais après une heure de marche se lève une tempête effrayante. Il est 14.15. Je continue à faire route face aux vent et aux vagues sur une portion exposée. Le vent forcit encore et le mât commence a enfourner, la situation devient critique. Je décide de jeter l' ancre face au village de Batoti, à peine protégé par une petite falaise.

dans un shaker*****la falaise de Batoti

Nic commence a se sentir très mal. Nous mettons l' annexeà l' eau et l' envoyons a terre avec un va et vient. Il trouve refuge chez des paysans pour la nuit... Nous restons avec Dan à bord. Nous resterons ainsi 21 heures au mouillage. Toute la nuit nous tournerons sur l' ancre, tantôt sous l' influence du vent, tantôt sous celle du courant. Je resterai ainsi toute la nuit à surveiller mon mouillage, prêt a démarrer le moteur en cas de bris de la chaîne...

24 MAI 2004*

Vers 11 heures du matin le vent s' est calmé un peu. Nous récupérons notre équipier malade et repartons toujours face au vent de 30/35 noeuds. Nous sommes copieusement arrosés. A l' entrée du canal Gogosi nous avons le vent en poupe, 45 noeuds et nous surfons sur les vagues avec des déferlantes qui nous rattrapent. Nous pénétrons dans l' écluse des Portes de Fer II, côté serbe.

vent en poupe

A la sortie de l' écluse, fatigués par les conditions nous commettons l' erreur de nous amarrer au ponton de révision de Prahovo. Les autorités serbes deviennent sucpicieuses et je passe une heure très désagréable entre un policier idiot, un sbire de la police politique et un officier de marine en uniforme blanc. Seul ce dernier, très policé, parle anglais. Ils m' accusent d' avoir fait entrer illégalement deux citoyens roumains qu 'ils désignent entre-eux comme mafioti ! Ils doivent les expulser... Après des discussions sans fin et un bakchich de 20 €, ils consentent enfin à me charger de l' expulsion. Nous rembarquons et partons à toute vapeur non sans avoir subit une visite du navire peu sympathique. Nous ancrons enfin pour la nuit, sur la rive roumaine sous l' île Girla.

25 MAI 2004

Ce matin, Nic, enfin remis de son mal de mer fait la route, heureux à la barre. Admirons au passage la citadelle de Vidin. Après Vidin et Calafat, nous traversons une zone sauvage avec beaucoup d' oiseaux sur des plages de sable blanc dont trois cigognes noires. Nous avons définitivement quitté la Serbie honnie et avons maintenant la Bulgarie à tribord. Depuis cette entrée en Bulgarie, la rive roumaine est totalement déserte, sans villages, sans pêcheurs. Au Km 721, des policiers roumains nous intiment l' ordre de venir au bord pour un contrôle de police, ce que je refuse vu mon tirant d' eau.

******Nic chef de bord***citadelle de Vidin

Vu les difficultés de la veille, nous ancrons entre des îles, côté roumain, loin de toute présence humaine. Hélas, ce bras du Danube est infesté de moustiques et nous nous réfugions à l' intérieur, assistant à une scène digne de celle des oiseaux d'Hitchcock : les moustiques sont pendus par les pattes sur les filières, par milliers !

26 MAI 2004

Nous dérapons rapidement le mouillage tôt le matin pour échapper aux moustiques voraces. Nous passons le confluent du Jiu et sommes étonnés du peu de majesté d' une des plus grandes rivières de Roumanie à son arrivée dans le Danube : des bras d' eau dilués entre des roseaux, on distingue à peine que se jette là le Jiu si puissant en amont. Nous sommes inquiétés par l' absence de nombreuses bouées. Ensuite les îles deviennent nombreuses et nous ne sommes guère surs de la route à suivre. Nous nous amarrons pour la nuit à Zimnicea sous une gigantesque grue quasi abandonnée et où nous attend Mircea qui nous emmène chez lui pour la nuit : repas en famille et douche bien venue.

sous la grue de Zimnicea

27 MAI 2004

Nous quittons Zimnicea et sommes immédiatement occupés par la navigation. Le sondeur se révèle indispensable sur le bas Danube, encombré de bancs de sable et même d' îlots qui ne figurent pas sur notre carte. Nous traversons la zone portuaire de Ruse et Giurgiu bientôt suivie du célèbre Pont de l' Amitié, premier pont construit entre Roumanie et Bulgarie. Vers le soir, nous tentons d' aborder un ponton de maintenance où deux ouvriers tentent de nous aider à l' amarrage. Mais le courant est décidément trop fort et le franc bord malcommode, nous décidons d' aller plus loin. A Oltenita, le pousseur "Rovinari93 nous accueille dans la bonne humeur de son équipage : fourniture du 220 V et visite du remorqueur.

le pont de l'Amitié*****le long du Rovinari9

Les douaniers viennent prendre les identités de l' équipage. Nous passons une soirée fort sympathique en compagnie des marins du bateau de travail.

28 MAI 2004

Au matin, les choses se gâtent : à peine levé et occupé à préparer le café, un douanier vient me demander d' allerà la capitainerie avec les papiers de l' équipage. Je déclare que j' irai quand j' aurai déjeuner. Arrivé au bureau des douanes, le douanier d' hier veut à nouveau recopier les passeports. Je lui dit fermement que je lui ai déjà donné ces informations la veille... De retour au bateau, arrive en vociférant un chef en costume cravate qui menace le commandant du pousseur d' une amende pour avoir pris des étrangers à couple et m' intime l' ordre d' aller au ponton de la douane. Arrivé dans son bureau, devant son abus de pouvoir, je déclare ne plus parler dorénavant qu'en français et note ostensiblement son nom et grade, indiquant que je vais faire une réclamation à l' Ambassade de France ainsi qu 'à la direction des Douanes de Bucarest. Le type devient d' une amabilité maladive, indiquant qu' on s' est mal compris et nous reprenons enfin notre route, libéré d' un sbire encore resté au temps de Ceaucescu !

Nous croisons les premiers pélicans au vol majestueux, le delta n' est plus loin. Passé Silistra, encore un contrôle douanier mais qui s' arrange très vite cette fois. Dans l' entrée du bras de Calarasi nous achetons du poisson à des pêcheurs. Nous stoppons pour la nuit sur un ponton abandonné et allons à terre avec l' annexe visiter le village de Izvoarele.

pêcheur du Danube*****Izvoarele

29 MAI 2004

En quittant Izvoarele nous traversons une zone de fonds moindres sur 7 kilomètres où nous sommes très attentifs. Se profile bientôt le pont de Cernavoda et nous sommes arrêtés par les autorités portuaires à l' entrée du canal. Il apparaît alors qu'en raison du week end, on ne peut déranger le chef et que nous devrons donc attendre là jusqu'au lundi matin pour emprunter le canal jusqu'au Constanta. Heureusement, les autorités sont ici tout à fait conviviales.

capitainerie de Cernavoda*****coucher de soleil sur le Danube

31 MAI 2004

C'est au passage d' un convoi que nous empruntons le canal de Cernavoda à la mer, long de 64 km après avoir acquitté un droit de 80 €. Passé l' écluse de Cernavoda ou nous embarquons un transpondeur destiné à permettre notre suivi par les autorités portuaires.

écluse de Cernavoda*****

Le canal est monotone mais sans surprise avec des fonds constants. En route nous découvrons la fresque vantant le mérite des bâtisseurs du canal dont il faut savoir qu 'ils étaient des prisonniers politiques dont beaucoup ont péris à cause de conditions de travail inhumaines... Un peu plus loin, un monument gigantesque montre encore une fois les stigmates du régime communiste. Vers 15.30 nous arrivons à l' écluse de Agiga qui marque la fin du canal et l' entrée dans le vaste port de commerce de Constanta.

le drapeau de la gloire*****Agiga

Et la Mer Noire enfin atteinte nous salut à sa manière par un vent violent et des vagues puissantes que nous devont négocier sous une pluie battante avant de pénétrer enfin dans Port Tomis, nouveau port d' attache du Bananec. Ainsi se termine la traversée du continent européen..

portul Tomis*****l'équipage heureux